Qu'est-ce que l'Institut Eléazar ?

Fondé le 11 août 1990, par Serge Caillet, sous la présidence d'honneur de Robert Amadou (1924-2006), l'Institut Eléazar fêtera ses 20 ans cette année.
L'Institut Eléazar, qui n'est pas un ordre initiatique, rassemble dans l'indépendance des hommes et des femmes de désir soucieux d'étudier en toute liberté l'oeuvre de Martines de Pasqually (1710 ?-1774) et de Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803).
Ce blog de l'Institut Eléazar est principalement consacré à l'actualité du martinisme : publications, études, découvertes, manifestations...

Ce blog complète le site officiel de l'Institut Eléazar : www.institut-eleazar.fr

mercredi 26 octobre 2011

Une biographie de Martines de Pasqually


Voilà presque trente ans que Michelle Nahon fouille les archives, particulièrement de la région de Bordeaux, afin d’éclairer notre connaissance de la vie de Martines de Pasqually (1710 ?-1774). Elle a ainsi inventé beaucoup de documents inédits et en a tiré la matière de nombreux articles (la plupart écrits en collaboration avec Maurice Friot), notamment dans le Bulletin annuel de la Société Martinès de Pasqually, fondée à Bordeaux en 1989, que Michelle Nahon préside depuis 1997. Il lui restait à synthétiser ses travaux dans une biographie que nous étions nombreux à attendre. La voici, sous le titre : Martinès de Pasqually. Un énigmatique franc-maçon théurge du XVIIIe siècle, fondateur de l'Ordre des élus coëns (Pascal Galodé, 2011).
Martines de Pasqually échappe pour partie à l’histoire et, par conséquent, pour partie à l’historien. Mais l’intérêt de Michelle Nahon pour le théurge de Bordeaux, et son approche biographique, pour rigoureuse qu’elle soit, dépassent de beaucoup le simple exercice intellectuel, ce qui lui évite de tomber dans le piège de la soi-disant objectivité chères aux instituteurs, sans se départir pour autant de la rigueur indispensable à l’analyse des sources. Comme l’avait fait avant elle Gérard van Rijnberk, voilà soixante dix ans, Michelle Nahon, réussit aujourd'hui à saisir des instants de la vie du théurge de Bordeaux et à éclairer pour notre bonheur un certain nombre d’événements d’une carrière encore bien énigmatique.
Faute de certitude sur l’apparence physique du théurge (mais, jusqu’à preuve du contraire, je continue de croire que le portrait que j’ai inventé pourrait ne pas être apocryphe !), Michelle Nahon nous offre donc de Martines de Pasqually un véritable portrait historique et philosophique.
Quel portrait ? Les origines familiales de Martines, à commencer par son identité, restent toujours obscures. Mais sa carrière militaire, comme officier, le fait sortir de l’ombre. Entre 1762 et 1772, Bordeaux sera sa capitale, après l’échec de Toulouse, et malgré des séjours à Paris et Versailles, pour affaires profanes et initiatiques (avec la Grande Loge de France notamment), que Michelle Nahon remet dans le contexte en les précisant.
A la lumière des témoignages et des documents connus, Martines ne se laisse pas réduire à la caricature du charlatan ou de l’escroc de l’initiation. (Ainsi, en dépit de solides arguments quant à son caractère apocryphe, la question de sa patente maçonnique, ou de celle de son père, n’est certainement pas aussi simple qu’on le dit). Sauf à ne pas savoir lire, le livre de Michelle Nahon contribue excellemment à montrer le vrai visage du maître des élus coëns : celui d’un homme de Dieu, qui, certes, ne fut qu’un homme, ni sorcier, ni magicien, comme il l’écrit lui-même, mais vrai homme de désir soucieux de sa vocation, de sa mission, en bute à ses propres faiblesses, aux tracasseries du monde et aux bassesses de ses frères.
La protection de quelques grands personnages (Richelieu, le prince de Rohan…) n’auront pas suffi à mettre Martines à l’abri des soucis financiers. Son départ pour Saint-Domingue, en 1772, et sa mort loin des siens, en 1774, ne lui auront pas permis non plus de mener à son terme l’œuvre d’une vie vouée à transmettre un très précieux dépôt initiatique. Faute d’avoir pu étendre sa réforme à l’ensemble de la franc-maçonnerie française, en quelques lustres, Martines de Pasqually et ses émules ont pourtant réussi à édifier l’Ordre des chevaliers maçons élus coëns de l’Univers, fleuron de l’illuminisme.
Le Martinès de Pasqually de Michelle Nahon constitue désormais l’ouvrage de référence pour quiconque s’intéresse au premier maître de Louis-Claude de Saint-Martin, de Jean-Baptiste Willermoz (et de tant d’autres dont l’histoire n’a pas nécessairement retenu le nom), que le très digne théurge de Bordeaux, conformément à sa vocation, a aidés à leur propre initiation.

Serge Caillet