Qu'est-ce que l'Institut Eléazar ?

Fondé le 11 août 1990, par Serge Caillet, sous la présidence d'honneur de Robert Amadou (1924-2006), l'Institut Eléazar fêtera ses 20 ans cette année.
L'Institut Eléazar, qui n'est pas un ordre initiatique, rassemble dans l'indépendance des hommes et des femmes de désir soucieux d'étudier en toute liberté l'oeuvre de Martines de Pasqually (1710 ?-1774) et de Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803).
Ce blog de l'Institut Eléazar est principalement consacré à l'actualité du martinisme : publications, études, découvertes, manifestations...

Ce blog complète le site officiel de l'Institut Eléazar : www.institut-eleazar.fr

mercredi 26 octobre 2011

Une biographie de Martines de Pasqually


Voilà presque trente ans que Michelle Nahon fouille les archives, particulièrement de la région de Bordeaux, afin d’éclairer notre connaissance de la vie de Martines de Pasqually (1710 ?-1774). Elle a ainsi inventé beaucoup de documents inédits et en a tiré la matière de nombreux articles (la plupart écrits en collaboration avec Maurice Friot), notamment dans le Bulletin annuel de la Société Martinès de Pasqually, fondée à Bordeaux en 1989, que Michelle Nahon préside depuis 1997. Il lui restait à synthétiser ses travaux dans une biographie que nous étions nombreux à attendre. La voici, sous le titre : Martinès de Pasqually. Un énigmatique franc-maçon théurge du XVIIIe siècle, fondateur de l'Ordre des élus coëns (Pascal Galodé, 2011).
Martines de Pasqually échappe pour partie à l’histoire et, par conséquent, pour partie à l’historien. Mais l’intérêt de Michelle Nahon pour le théurge de Bordeaux, et son approche biographique, pour rigoureuse qu’elle soit, dépassent de beaucoup le simple exercice intellectuel, ce qui lui évite de tomber dans le piège de la soi-disant objectivité chères aux instituteurs, sans se départir pour autant de la rigueur indispensable à l’analyse des sources. Comme l’avait fait avant elle Gérard van Rijnberk, voilà soixante dix ans, Michelle Nahon, réussit aujourd'hui à saisir des instants de la vie du théurge de Bordeaux et à éclairer pour notre bonheur un certain nombre d’événements d’une carrière encore bien énigmatique.
Faute de certitude sur l’apparence physique du théurge (mais, jusqu’à preuve du contraire, je continue de croire que le portrait que j’ai inventé pourrait ne pas être apocryphe !), Michelle Nahon nous offre donc de Martines de Pasqually un véritable portrait historique et philosophique.
Quel portrait ? Les origines familiales de Martines, à commencer par son identité, restent toujours obscures. Mais sa carrière militaire, comme officier, le fait sortir de l’ombre. Entre 1762 et 1772, Bordeaux sera sa capitale, après l’échec de Toulouse, et malgré des séjours à Paris et Versailles, pour affaires profanes et initiatiques (avec la Grande Loge de France notamment), que Michelle Nahon remet dans le contexte en les précisant.
A la lumière des témoignages et des documents connus, Martines ne se laisse pas réduire à la caricature du charlatan ou de l’escroc de l’initiation. (Ainsi, en dépit de solides arguments quant à son caractère apocryphe, la question de sa patente maçonnique, ou de celle de son père, n’est certainement pas aussi simple qu’on le dit). Sauf à ne pas savoir lire, le livre de Michelle Nahon contribue excellemment à montrer le vrai visage du maître des élus coëns : celui d’un homme de Dieu, qui, certes, ne fut qu’un homme, ni sorcier, ni magicien, comme il l’écrit lui-même, mais vrai homme de désir soucieux de sa vocation, de sa mission, en bute à ses propres faiblesses, aux tracasseries du monde et aux bassesses de ses frères.
La protection de quelques grands personnages (Richelieu, le prince de Rohan…) n’auront pas suffi à mettre Martines à l’abri des soucis financiers. Son départ pour Saint-Domingue, en 1772, et sa mort loin des siens, en 1774, ne lui auront pas permis non plus de mener à son terme l’œuvre d’une vie vouée à transmettre un très précieux dépôt initiatique. Faute d’avoir pu étendre sa réforme à l’ensemble de la franc-maçonnerie française, en quelques lustres, Martines de Pasqually et ses émules ont pourtant réussi à édifier l’Ordre des chevaliers maçons élus coëns de l’Univers, fleuron de l’illuminisme.
Le Martinès de Pasqually de Michelle Nahon constitue désormais l’ouvrage de référence pour quiconque s’intéresse au premier maître de Louis-Claude de Saint-Martin, de Jean-Baptiste Willermoz (et de tant d’autres dont l’histoire n’a pas nécessairement retenu le nom), que le très digne théurge de Bordeaux, conformément à sa vocation, a aidés à leur propre initiation.

Serge Caillet

vendredi 16 septembre 2011

Robert Amadou, Robert Ambelain et Alexandrie d'Egypte

Il y a dix ans tout juste, Robert Amadou confiait à Ludovic Marcos son témoignage, en deux entretiens, sur l’aventure hors du commun de la loge clandestine Alexandrie d’Egypte, fondée par Robert Ambelain, à Paris, en 1943, sous la terreur nazie. Le premier entretien avait été publié dans la revue Arcana, quasi confidentielle, mais, par suite de la disparition de cette revue, le second était resté inédit. Grâce à la générosité de Catherine Amadou, le dernier numéro de Renaissance Traditionnelle (n° 162, avril 2011 - http://www.renaissancetraditionnelle.org/) nous offre aujourd’hui l’intégralité des propos de Robert Amadou. Ce témoignage capital consigne, dans le détail, l’histoire de cette loge clandestine du rite de Memphis-Misraïm et de ses activités annexes, au titre de l’Ordre martiniste, de l’Eglise gnostique (tout autant condamnés par le régime de Vichy et maintenus ici dans la clandestinité) et de l’Ordre des élus coëns, réveillé en 1943.
Avec ces souvenirs de combattant d’un réseau d’une résistance morale et spirituelle (sans préjudice, pour certains de ses membres, d’une autre forme de Résistance active), Robert Amadou rend hommage à Robert Ambelain, son « seul maître vivant », dont il fut, dans ces années noires, le bras droit. Alors que Robert Amadou a rejoint son premier maître dans le sein d’Abraham, le 14 mars 2006, quelle émotion de lire aussi la transcription de leur dernière conversation téléphonique, le 20 mai 1997, sept jours avant le rappel à Dieu de Robert Ambelain.
Enfin, cet entretien ne pourra manquer d’interpeler celles et ceux, désormais nombreux, qu’intéresse la franc-maçonnerie égyptienne dont Robert Amadou dénonce ici la légende des patentes, des filiations et du rituel tout en défendant le caractère occultiste et le mythe traditionnel de Memphis-Misraïm.

Serge Caillet

mardi 6 septembre 2011

Les Leçons de Lyon aux élus coëns

Le dernier chef-d’œuvre de Robert Amadou, Les Leçons de Lyon aux élus coëns (Dervy, 1999), réalisé avec le concours de Catherine Amadou, vient de revoir le jour dans une édition revue et corrigée (Dervy, 2011). Ce Cours de martinisme au XVIIIe siècle par Louis-Claude de Saint-Martin, Jean-Jacques Du Roy d’Hauterive, Jean-Baptiste Willermoz, pour reprendre le sous-titre du livre, publié d’après les manuscrits originaux (fonds Z et fonds Willermoz) constitue une somme indispensable à quiconque s’intéresse, en amateur ou en spécialiste, aux trois théosophes susnommés et à leur maître commun, Martines de Pasqually (1710 ?-1774). Merci à Catherine Amadou, qui poursuit aujourd’hui dans la discrétion l’œuvre de Robert, de nous procurer cette nouvelle édition, qui bénéficie notamment d’une mise à jour des innombrables références bibliographiques.
Ces textes désormais classiques, comprenant les leçons des professeurs et des notes d’auditeur, complètent admirablement le Traité sur la réintégration (éd. RA, Diffusion rosicrucienne) bien connu des martinistes et, plus généralement, de tous les apprentis théosophes. Maint thème du Traité s’y trouve en effet développé ou précisé par les trois émules du théurge de Bordeaux, Saint-Martin en tête. Du reste, d’autres thèmes, absents du Traité mais point étrangers à sa doctrine s’y trouvent précisés. Ces Leçons, données à Lyon, de 1774 à 1776, dans l’un des établissements les plus prestigieux de l’Ordre des chevaliers maçons élus coëns de l’univers, constituent une mine où, pourvu qu’il soit quelque peu persévérant, le cherchant ne cessera de trouver des pépites propres à satisfaire son désir. De précieux index l’y aideront.
Ces leçons des trois répétiteurs « lyonnais », de passage pour deux d’entre eux, qu’accueillait en son orient le troisième, bénéficient l’une introduction et d’une préface d’un quatrième théosophe, qui fut et demeure (je l’ai écrit, paraphrasant Joseph de Maistre quant à Saint-Martin, et je persiste) le plus sage, le plus instruit et le plus élégant des théosophes modernes. La préface et l’introduction très conséquentes de Robert Amadou sont un chef-d’œuvre de science et d’érudition, inégalé et assurément inégalable pour longtemps : le fruit d’une vie, le fruit d’une œuvre de plus de cinq décennies de recherches et de réflexion quant à l’histoire et quant à la doctrine, que ces leçons illustrent. Cette quadruple (il me démange d’écrire quatriple !) collaboration rend les Leçons de Lyon plus actuelles que jamais.

Serge Caillet

dimanche 10 avril 2011

Le Martinisme selon Robert Ambelain


Au sortir de la seconde Guerre mondiale, trois livres ont marqué le renouveau du martinisme et des études martinistes. Tandis que Robert Amadou publiait son Louis-Claude de Saint-Martin et le Martinisme, inaugurant ainsi, dès 1946, un ensemble sans égal de publications constantes, sur un demi-siècle, Robert Ambelain produisait quant à lui coup sur coup deux livres qui on fait date.
Le premier, paru en 1946, à l’enseigne des Editions Niclaus, s’intitulait Le Martinsme, histoire et doctrine, avec ce sur-titre : « la franc-maçonnerie occultiste et mystique (1643-1943) », et le second, inclus dans la collection « Les survivances initiatiques » des Cahiers de Destin, en mars 1948, avait pour titre : Le Martinisme contemporain et ses véritables origines. Or, ces deux ouvrages, qui semblent a priori complémentaires - ce qui justifierait leur réédition en un seul volume - sont en réalité, et c’est là tout le paradoxe de Robert Ambelain, contradictoires sur un certain nombre de questions essentielles. Le second, d’une importance matérielle moindre, correspond à la transcription d’une conférence, qui corrige en effet quelques hypothèses trop hardies du premier, et rétablit ainsi pour la première fois des faits, aujourd’hui avérés, mais alors largement sujets à discussion. 
Ces deux livres tant recherchés des amateurs, les voici enfin réédités pour la première fois en un volume, aux Editions Signatura auxquelles on doit déjà la réédition de Templiers et rose-croix, du même Robert Ambelain.
Il est vrai – qui oserait aujourd’hui le nier ? – que maintes suppositions du Martinisme, histoire et doctrine sont irrecevables ; répétons-le, après l’auteur lui-même. Cependant, ce même livre, qui, selon son surtitre, couvre tout juste trois siècles d’histoire, de 1643 à 1943, porte témoignage de l’esprit, des idées et de l’histoire de Robert Ambelain et de ses compagnons de clandestinité initiatique. Et il est, à ce titre, absolument irremplaçable. Quant au second, où excellent les qualités critiques de l’auteur - y compris s’exerçant sur ses propres écrits parus deux ans plus tôt -, il démontre courageusement le caractère controuvé de la filiation dite « de Saint-Martin », transmise par Papus, et de la filiation « coën » de Jean Bricaud. La préface que j'ai eu le plaisir de rédiger pour cette réédition s'en explique, en rappelant le contexte de la publication de la première édition de ces deux livres et en traçant le parcours martiniste de Robert Ambelain.

Serge Caillet


vendredi 1 avril 2011

Elme Caro réédité

            Publié pour la première fois en 1852, réédité en 1975 (Genève, Slatkine), l’ouvrage d’Elme Caro : Du mysticisme au XVIIIe siècle : essai sur la vie et la doctrine de Saint-Martin, le Philosophe inconnu, vient de revoir le jour aux Editions de la Tarente
            Rappelons que l’auteur (1826-1887), aujourd’hui oublié, fut élève, puis maître de conférences à l’École Normale, professeur de philosophie à la Faculté des Lettres de Douai et de Paris, membre de l'Académie des Sciences morales et politiques, élu à l’Académie française en 1874. Son œuvre, qui témoigne de l’intérêt porté à Saint-Martin par un philosophe du XIXe siècle, aura été l’une des sources essentielles des disciples posthumes du Philosophe inconnu rassemblés par Papus dans son Ordre martiniste.
            L’éditeur reproduit également la «  Notice biographique sur Saint-Martin » de Jean-Baptiste-Modeste Gence (1755-1840), plusieurs fois rééditée (fac-similé in Robert Amadou Deux amis de Saint-Martin : Gence et Gilbert, Paris, Cariscript, 1982 ; éd. ap. Xavier Cuvelier-Roy, Sursum Corda, Le Tremblay, Diffusion rosicrucienne, 2003).
            Utile en son temps, d’une sympathie respectueuse en dépit d’une critique parfois sévère des idées et de la doctrine de Saint-Martin, mais dépassé par les progrès de la recherche des cinquante dernières années, l’essai d’Elme Caro n’en reste pas moins classique. Cette réédition à petit tirage (200 exemplaires) d’un livre introuvable devrait assurément séduire les bibliophiles et les amateurs de Saint-Martin.

Serge Caillet

vendredi 4 mars 2011

Le colloque Martines de Pasqually sur Baglis TV


            Cinq des communications prononcées au colloque du tricentenaire de Martines de Pasqually, qui s’est tenu à Marseille, les 18 et 19 septembre 2010, sont désormais en ligne sur Baglis TV : http://www.baglis.tv
Des extraits de ces conférences sont également visibles, gratuitement sur Internet (Youtube et Dailymotion).

Les autres communications seront mises en ligne prochainement sur Baglis TV, et un DVD complet  sera ensuite diffusé par l’Institut Eléazar, en fin d’année. 

       Enfin, les actes du colloque, qui comprendront les communications, parfois augmentées, et enrichies d’un certain nombre de documents et d’études inédites, paraîtront sous la forme d’un numéro spécial de la revue Renaissance Traditionnelle, courant 2011.

Serge Caillet

vendredi 25 février 2011

Une étude sur le Traité des deux natures de Willermoz


Dans le dernier numéro d’Ariès (volume 10, n° 2, 2010), Gérard Gendet étudie "Une figure de Jésus en théosophie chrétienne à la fin du XVIIIème siècle : le Traité des deux Natures, de Jean-Baptiste Willermoz". Le Traité des deux natures a été rédigé par Willermoz, déjà âgé, entre 1805 et 1812, sous la forme d’une instruction destinée à son fils, qui mourra à l’âge de sept ans, en 1812, sans l’avoir sans doute jamais lue.
Rappelons que ce texte essentiel a fait l’objet d’une première édition, par René Désaguliers, (Renaissance Traditionnelle, n° 66, 1986) d’après le manuscrit 5940-5 du fonds Willermoz de la Bibliothèque municipale de Lyon,  assortie de « Notes et commentaires », par Roger Dachez, de 1986 à 1991, dans les numéros 67, 71, 72, 78 et 85 de la même revue. Une seconde édition est parue à la Diffusion rosicrucienne, sous le titre L’Homme-Dieu. Traité des deux natures, en 1999.
Dans son analyse, sérieuse et documentée, Gérard Gendet s’attache essentiellement à la figure de Jésus, telle que la décrit le Traité, sa nature humaine, sa nature divine, sa révélation progressive, sa passion et sa résurrection, en relevant ce qui distingue la pensée de Willermoz de celle de Martines de Pasqually, face aux enseignements de l’Eglise catholique romaine. Il relève aussi des similitudes avec le judéo-christianisme des premiers siècles et analyse ensuite la « valeur paradigmatique » de l’incarnation divine d’après Willermoz et ses conceptions christologiques.
Enfin, Gérard Gendet entreprend de comparer ce petit Traité avec l’Instruction secrètes des grands profès, dont on sait que Willermoz fut « le principal rédacteur ». Il y constate une similitude frappante entre la figure de Jésus-Christ et la figure mythique de maître Hiram, type du Christ, telle que la révèle le grade de maître écossais de Saint-André, dont Willermoz acheva la rédaction en 1809. Dans son Traité comme dans l'Instruction, Willermoz invite à une imitation du Christ, « l’homme-Dieu et divin » selon Martines, modèle du chrétien et modèle du maçon exerçant la vertu de bienfaisance, qui n’est autre que la caritas à laquelle nous exhorte saint Paul dans sa première Epitre aux Corinthiens

Serge Caillet

vendredi 18 février 2011

Serge Marcotoune et la science secrète des initiés

Les Editions du Simorgh (leseditionsdusimorgh.blogspot.com/) ont eu la bonne idée de rééditer en 2009 La Science secrète des initiés, de Serge Marcotoune, avec une introduction de Daniel Fontaine. Le nom de Serge Constantinovitch Marcotoune (ou Markotoune) n’est pas inconnu dans l’histoire du martinisme moderne, à cause du martinisme « russe », comme on dit. Mais qu’est-ce à dire, précisément ?

Les bonnes relations que Papus entretint avec de nombreux aristocrates russes, tant en France qu’en Russie, alentour 1900, ont très largement contribué à l’implantation de loges martinistes en Russie, ainsi que l’atteste notamment le dossier "Russie", conservé dans le fonds Papus de la Bibliothèque municipale de Lyon, que j’exploiterai dans mon histoire de l’Ordre martiniste, en préparation.
Initiée en 1897, la violoniste Olga de Moussine-Pouchkine a représenté en Russie, dès janvier 1899, le Suprême Conseil de l’Ordre Martiniste, et elle favorisera peu après la rencontre de Monsieur Philippe avec les grandes-duchesses Anastasia et Militza, qui le présenteront ensuite au couple impérial. En décembre-janvier 1900, Papus se rendra lui-même à Saint-Pétersbourg, et en février 1900, L’Initiation rend compte d’une visite d’une délégation martiniste en Russie, qui y précèdera de peu Monsieur Philippe lui-même.
Avant la Révolution d’Octobre, nombreux ont été les martinistes dans la bourgeoisie et l’aristocratie russe, à Vladimir, où la loge Saint-Jean l'Apôtre a été fondée en mai 1910, sous l’autorité de Pierre Kasnatcheev, qui sera nommé en 1913 délégué général de l’Ordre martiniste à Moscou ; à Saint-Pétersbourg, où la loge Apollonius, a été fondée en 1910 par Grigory Ottonovitch Mebès ; à Kiev, enfin, où  Serge Marcotoune, domicilié au 67 de la rue Viadimirscaïa, a dirigé la loge Saint-André l'Apôtre. Après la mort de Papus, Bricaud confirmera Marcotoune comme délégué général pour l’Ukraine (charte n° 501, en date du 25 mai 1919).
Réfugié en France, installé à Paris, rue Chalgrin, puis rue de la Trémoille, Marcotoune y fondera, en vertue d’une patente de Jean Bricaud, datée du 22 décembre 1920, la loge Saint-André n°2 (en souvenir de la loge de Kiev), qui rassemblera des Français, des Russes et des Ukrainiens en exil. Cette loge, rappelle Daniel Fontaine, fonctionnera jusqu'en 1939, puis dans la clandestinité, sous l'Occupation allemande.
Des ordres martinistes, aujourd’hui, se réclament de la filiation de Marcotoune, mort en 1971. Il est vrai que celui-ci essaima, à Paris, en 1969, mais aussi en Belgique où Armand Toussaint (1895-1994), initié par Marcotoune, a fondé l’Ordre martiniste des chevaliers du Christ (OMCC), qui s’est ensuite répandu sur tous les continents. 
En dépit de la légende – mais je serais tout heureux qu’on me démontrât le contraire ! – point de "rite de Novikov", et le « martinisme russe », dont Serge Marcotoune représente l’une des figures, ne remonte qu’à Papus, c’est-à-dire à la filiation bien française de l’Ordre martiniste fondé à Paris en 1887-1891, implantée en Russie avant la Révolution d’Octobre, et revenue en France ensuite. Ce n’est ni plus ni moins qu’un « martinisme russe » de désir !
Selon une note de la présente réédition de La Science secrète des initiés, non seulement Marcotoune n’aurait pas été occultiste, mais, plus encore, « il se méfiait des occultistes », tandis que son livre témoignerait du « particularisme du martinisme russe ». N’en croyez rien ! 
D’ailleurs, à défaut de témoigner de la moindre influence « russe » d’un Saint-Martin ou d’un Martines de Pasqually, les deux livres de Serge Marcotoune, La science secrète des initiés et la pratique de la vie (traduit du russe par Eugène et Marc Semenoff,  Paris, A. Delpeuch, 1928 ; 2e éd., Paris, Honoré Champion, 1955) et La Voie initiatique. La pratique de la vie initiatique (Paris, Honoré Champion, 1956),  proposent une approche occultiste du monde, de la vie et de la voie initiatique, parfois assez originale et assurément très digne, que n’aurait pas désavouée Papus. Enfin, peut-être convient-il de rappeler que Serge Marcotoune figure aussi, en 1922, parmi les membres fondateurs de la Société occultiste internationale (SOI), dirigée par Jean Bricaud, qui entendait relever le Groupe indépendant d'études ésotériques de Papus.

Serge Caillet


vendredi 21 janvier 2011

Un "Que sais-je ?" sur le Rite écossais rectifié


Roger Dachez, fils spirituel de René Guilly, qui préside aujourd’hui l’Institut maçonnique de France, et Jean-Marc Pétillot, ancien grand maître de la Grande Loge traditionnelle et symbolique Opéra,  viennent de faire œuvre de bienfaisance en offrant aux amateurs, profanes ou initiés, un « Que sais-je ? » sur Le Rite écossais rectifié (PUF, 2010). Quoiqu’ils aient eu l’un et l’autre l’autorité et les compétences pour entreprendre sa rédaction, l’exercice n’en était pas moins difficile. En quelques 120 pages, le voici pleinement réussi.
La première partie de l’ouvrage est consacrée aux « aspects historiques » du RER : l’écossisme au XVIIIe siècle, la légende templière et la Stricte Observance, l’illuminisme, les trois lumières que sont Martines de Pasqually, Jean-Baptiste Willermoz et Louis-Claude de Saint-Martin. L’apport de Martines, le rôle de Willermoz, l’influence de Saint-Martin qu’il convient de ne pas surévaluer, sont ici replacés dans leur contexte. Quelques pages, enfin, sont consacrées aux heurs et malheurs du RER aux XIXe et XXe siècles.
La seconde partie : « structures, pratiques, doctrine », pose les questions essentielles de la double structure du RER, des sources et des spécificités des quatre grades symboliques, de l’Ordre intérieur et de son idéal chevaleresque, de la grande profession, et, enfin, de la doctrine spirituelle. Cette dernière question – ou peut-être s’agit-il d’un problème ? – passe par un inventaire des sources historiques, non pas d’une histoire révisée dans le sens du vent, ou réécrite, mais étudiée avec soin comme elle l’a été – enfin ! – ces dernières décennies. La réponse formulée par Roger Dachez et Jean-Marc Pétillot tient en quatre points (comme il est normal au RER !) : d’abord, le RER est « une maçonnerie pleine et entière », ensuite l’héritage martinésiste est à préserver, défendre et cultiver, enfin, « l’Ordre est chrétien » et le RER propose une spiritualité.
8000 francs-maçons, rappellent les auteurs, pratiquent aujourd’hui le Rite écossais rectifié. Mais combien, parmi eux, le connaissent ? Ce « Que sais-je ? », où les maçons du RER comme leurs frères  et sœurs d’autres rites trouveront de quoi s’instruire, devrait permettre une meilleure connaissance de cette forme maçonnique originale. Quant à moi, lorsqu’on me demandera quoi lire sur le Rite écossais rectifié, je saurais désormais, sans hésitation, quoi répondre.
Serge Caillet
sergecaillet@gmail.com

jeudi 6 janvier 2011

Martines de Pasqually en langue espagnole


Depuis quelques années, le Grupo de Estudios e Investigaciones Martinistas & Martinezistas de Espana (GEIMME - www.geimme.es - geimme@arrakis.es), qui publie depuis 2003 un bulletin trimestriel désormais bien connu, a lancé pour les lecteurs de langue espagnole une collection martiniste qui compte déjà une quinzaine de titres : traductions, pour la plupart, d’ouvrages parus initialement en langue française, dont trois du Philosophe inconnu.
Le dernier volume de la collection s’intitule Martines de Pasqually, su doctrina y su obra. Sur plus de 350 pages, Diego Cerrato, fondateur et directeur du GEIMME, y a traduit et rassemblé judicieusement des textes, anciens et modernes, bien connus en France, mais qui le sont certainement beaucoup moins des lecteurs espagnols.
Deux études liminaires composent le premier chapitre, l’une, sous la signature de Jean-François Var, sur Martines de Pasqually, l’autre, signée Diego Cerrato, sur l’Ordre des élus coëns et le rite écossais rectifié. Le second chapitre résume le Traité sur la réintégration, propose un aperçu de l’arithmosophie de Martines, analyse sa doctrine et sa pratique à travers sa correspondance avec Willermoz et reproduit enfin de larges extraits de l’ouvrage classique – mais suranné – de René Le Forestier. Le troisième chapitre, consacré aux grades de l’Ordre des élus coëns, procure une traduction du rituel d’apprenti, d’après Thory et des extraits de quelques catéchismes et d’un discours de réception. Sous la signature de Jean-François Var, le chapitre 4 étudie la question du martinésisme et du martinisme. Un cinquième chapitre, enfin, reproduit et commente quelques documents de la Résurgence de l’Ordre des chevaliers maçons élus coëns de l’Univers, de 1943 à 2006.
            Nul doute, ce livre devrait permettre une meilleure connaissance de Martines et de son ordre aux nombreux martinistes de langue espagnole.

Serge Caillet
sergecaillet@gmail.com